LE MOUVEMENT COOPÉRATIF : PARTENAIRE DANS LE RENFORCEMENT DE L’ÉCONOMIE CANADIENNE
Depuis 1946, le Conseil canadien de la coopération
et de la mutualité (CCCM) regroupe les 3700 coopératives et 54 mutuelles
francophones du Canada. Il les représente au plan national et international. Sa
mission vise à créer un environnement propice au développement coopératif et
mutualiste en français d’un océan à l’autre. Le CCCM réunit huit membres
réguliers, les conseils provinciaux compilant plus de 23 milliards de dollars
en chiffre d’affaires et regroupant plus de 8 900 000 membres. Au surplus,
elles possèdent plus de 180 milliards d’actifs et créent plus de 100,000
emplois partout au Canada. Elles ont aussi redistribué dans les communautés
canadiennes un montant de plus de 100 millions de dollars en commandites,
ristournes, bourses et dons au dernier exercice financier.
La solidité de la formule coopérative n’est plus à
prouver. Une analyse du taux de survie des coopératives réalisée par le
Ministère du développement économique, de l’innovation et de l’exportation du
Québec effectuée en 2008 démontre un taux de survie des coopératives qui
dépasse largement celui des entreprises québécoises. « Quatre coopératives sur
10 franchissent les 10 ans d’existence comparativement à deux entreprises sur
10 pour l’ensemble des entreprises du Québec.»
« Les coopératives ne sont pas simplement une
«autre manière» de faire des affaires, … mais un modèle d’entreprise
spécifique, fondé sur des valeurs, valable pour toutes tailles et tous secteurs
d’activités. Pour ne citer que quelques exemples célèbres, KPMG, l’Orchestre
philharmonique de Londres, la chaîne d’hôtels Best Western, AP, sont toutes des
coopératives. La crise a suscité une réflexion sur le meilleur modèle
d’entreprise. Les coopératives constituent une alternative intéressante. Elles
donnent la priorité à la rentabilité à long terme et à la pérennité de
l’entreprise, au partage des bénéfices entre leurs membres qui détiennent le
capital et les principaux utilisateurs (prêteurs, emprunteurs); elles dépendent
des besoins de la communauté locale, sont hautement transparentes et –
fondamentalement – elles ont un agenda social qui ne les empêche pas pour
autant d’être viables et rentables. Hagen Henry, OIT, avril 2009.
Nous offrons au gouvernement du Canada, par
l’entremise de ce mémoire, notre volonté d’établir un partenariat concret pour
le développement, la mise en œuvre et l’évaluation de politiques et programmes
gouvernementaux et ce, dans tous les secteurs d’activités. Avec la proclamation
par l’ONU de 2012, Année internationale des coopératives, proclamation
soutenue par le gouvernement canadien, nous désirons recommander l’inclusion de
certains éléments au budget fédéral de 2012-2013, éléments qui deviendront
l’héritage de ce gouvernement au succès de l’Année internationale des
coopératives.
AU NIVEAU PANCANADIEN
1. Développer une
stratégie d’investissement pour le développement coopératif des communautés
canadiennes :
1.1 Offrant aux membres de
coopératives de producteurs et de travailleurs un accès au crédit par la
création d’un régime d’investissement coopératif (RIC);
1.2 Créant un Fonds de
développement coopératif (FDC) qui permettrait aux coopératives d’avoir
accès à des PRÊTS non traditionnels, sous forme de capital patient à taux
préférentiels;
2. Assurer la pérennité du
programme de l’Initiative de développement coopératif.
Déjà en 2009, le gouvernement fédéral renouait son
partenariat avec le mouvement coopératif par le renouvellement de l’Initiative
de développement coopératif dont l’objectif principal vise la création de
nouvelles coopératives à travers le Canada. Cette initiative est un excellent
programme, mais il ne suffit pas à combler trois besoins essentiels au
mouvement coopératif qui sont : a) la capitalisation, b) l’accès au crédit
et c) le soutien au développement coopératif dans les communautés de langues
officielles en situation minoritaire. Voici les outils que nous vous
proposons :
1.1 Développer un régime fédéral d’investissement coopératif (RIC)
Un régime d’investissement coopératif (RIC), comme
celui en place depuis plus de 20 ans au Québec, visera à augmenter, au moyen
d’un incitatif fiscal, la capitalisation permanente de certaines
coopératives et fédérations de coopératives canadiennes ayant besoin de
capitaux propres nécessaires à leur développement. Ce régime accordera une
déduction fiscale aux membres qui acquièrent des
parts privilégiées dans leur propre coopérative. Cette mesure augmentera
l’accès aux capitaux nécessaires pour les coopératives agricoles et les
coopératives de travailleurs afin de planifier leur expansion, de faire face à la compétitivité et à
l’internationalisation des marchés.
Au Canada, plus de 1 300 coopératives agricoles
emploient 36 000 personnes. Ces coopératives génèrent près de 19 milliards de
dollars en revenus annuels et réinvestissent environ 1,6 milliard de dollars
dans l’industrie ainsi que dans leurs communautés rurales. Le Régime québécois
a permis, entre 1985 et 2006, de générer 393 millions en nouveaux
investissements dans les coopératives éligibles pour un coût fiscal estimé à 51 millions de dollars. De
plus, 75 % de ces investissements ont été dirigés vers les régions et dans les
secteurs agricole, forestier et manufacturier. Cette mesure a fait ses preuves
en termes d’effort de capitalisation, d’apport en nouveaux capitaux et en
accroissement d’actifs des coopératives participantes. Cette mesure a permis
aux coopératives d’augmenter l’effet de levier de leurs capitaux de base,
apportant aussi un poids évident à leurs investissements et aux opportunités de
financement futur. Le coût d’un tel régime, au plan fédéral, est estimé
entre 17 et 20 millions de dollars annuellement et il pourrait générer 120
millions de dollars en nouveaux investissements au niveau national.
Au cours de l’année 2008, 218 coopératives ont été
titulaires à un moment dans l’année, d'un certificat valide leur permettant
d'émettre des titres admissibles au Régime. Ces 218 coopératives représentaient
près de 30 % des 740 coopératives actives faisant partie d'une catégorie
admissible au 31 décembre 2008. Parmi ces 218 coopératives, 152, soit 70 %, ont
émis des titres admissibles. Au total, 21,1 M$ ont été investis dans les
coopératives ciblées par la mesure fiscale. Dans l'ensemble, 6 568 particuliers
ont acquis des titres admissibles émis par la coopérative dont ils étaient
membres ou employés. L'investissement moyen dans les coopératives émettrices
est de l'ordre de 139 000 $.
L'investissement moyen par acquéreur admissible se
chiffre à 3 217 $. La proportion des sommes investies dans des coopératives du
secteur agricole est de 38 %. Plus de 70 % des sommes ont été investies dans
des coopératives localisées dans les régions.
MDEIE, Direction des coopératives, octobre 2009,
Résultats 2008
En décembre 2004, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes déposait son rapport et notait sur
le RIC :
« Selon le Comité, il importe d'assujettir toutes
les entreprises canadiennes – y compris les coopératives – à des règles du jeu
uniformes et à un régime fiscal qui leur permet de
répondre à leurs besoins de manière qu'elles puissent croître et prospérer – et
l'économie canadienne avec elle (...). Le Comité recommande au gouvernement
fédéral d’adopter immédiatement les mesures suivantes (...) créer un régime
d'investissement coopératif qui encouragerait les employés et les membres de
coopératives agricoles à investir dans leurs coopératives agricoles en les
autorisant à déduire leur investissement jusqu'à un certain pourcentage de leur
revenu brut. »
De plus, en décembre 2009, le rapport du Comité
pour le budget 2010-2011 recommandait de nouveau au gouvernement de mettre en
place une telle mesure.
Le soutien envers un RIC fédéral n’a cessé de
croître. Une étude faite en 2009 par les deux associations nationales, le CCCM
et la Canadian Co-operative Association, soutient qu’un tel programme
recevrait un bel accueil, surtout s’il est présenté comme un outil permettant
de maximiser les retombées économiques et la création d’emplois dans les
régions rurales et agricoles. Les résultats de l’expérience québécoise laissent
présager qu’une initiative fédérale comparable pourrait avoir des répercussions
positives majeures sur les coopératives et leurs collectivités, sur le
développement économique, la durabilité et l’emploi et plus particulièrement
dans les régions rurales et agricoles du Canada. L’expérience du Québec
démontre que même dans un contexte économique difficile, les coopératives
agricoles peuvent compter sur le soutien de leurs membres. Les prévisions
établies à partir de l’expérience québécoise laissent croire qu’un programme
pancanadien de type RIC pourrait générer environ 4 dollars de nouvel
investissement dans les coopératives participantes pour chaque dollar auquel le
gouvernement renoncerait en revenu fiscal. Ces
données reposent sur l’évaluation faite par le gouvernement du Québec sur le
coût du programme en 2007, soit un manque à gagner de 8 millions de dollars en
recettes fiscales pour les 32,5 millions de
dollars d’investissements réalisés dans le cadre du RIC. Les nouveaux profits
réalisés et les salaires découlant de l’augmentation des investissements
seraient, bien entendu, imposables.
Depuis plus de cent ans, les coopératives
canadiennes ont fait la preuve qu’elles étaient des entreprises stables et
durables. Détenues par les collectivités, elles constituent de véritables
moteurs de développement économique. Pour jouer pleinement leur rôle, elles ont
cependant besoin d’un meilleur accès au capital. Un programme fédéral de type
RIC est plus important que jamais. Instituée par le gouvernement fédéral, cette
initiative permettrait de créer des règles du jeu plus équitables entre les
coopératives et les entreprises privées, en plus de générer de nombreux bénéfices dans nombre de régions et de collectivités des quatre coins du
pays.
1.2 Créer un fonds de développement coopératif (FDC)
Par un investissement unique, nous proposons au
gouvernement du Canada la création d’un fonds de développement coopératif, dont
le rôle serait de consentir des prêts de capital patient, prêts de longue durée
et à taux préférentiels aux coopératives qui en feraient la demande. L’accès au
capital a toujours posé problème aux coopératives. Comme elles ne peuvent faire
croître leur capital-actions et comme l’accès aux prêts traditionnels ou
externes leur est pratiquement inaccessible, ce fonds leur garantirait l’accès
à des capitaux externes sans que ces investisseurs ne prennent le contrôle de
la coopérative ou n’en contrôlent les instances de prise de décisions.
La proposition de créer un tel fonds est basée sur
des expériences réelles vécues par Arctic Co-operative Development Fund (ACDF) et le projet pilote du fonds La ténacité, ça fonctionne, géré par
la Fédération canadienne des coopératives de travail (FCCT). En ce qui concerne
l’ACDF, elle a bénéficié d’une subvention
initiale de 10,2 millions de dollars du gouvernement fédéral en 1986. En 2009,
le montant en financement de projet atteint les 35,7 millions de dollars, les
gains nets sont de 1.5 million de dollars, avec une ristourne de 1,7 million
auprès des membres. Depuis sa création, ce fonds a avancé plus de 452 millions
pour financer les coopératives membres.
Quant au projet pilote La ténacité, ça
fonctionne, il a été créé par l’entremise d’une subvention initiale de 1,9
million de dollars du gouvernement fédéral. Ce projet pilote, d’une période de
trois ans, soit de septembre 2000 à septembre 2003, a dépassé les attentes. Il
continue toujours de fonctionner modestement, octroyant quelques prêts par
année. En 2005, il avait 14 prêts courants dans un fonds d’investissement de
900,000$.
Une récente étude de Price Waterhouse Coopers, à
la demande du ministère d’Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la
viabilité d’une proposition faite par le mouvement coopératif en vue de
l’établissement d’un tel fonds, conclut :
« …l’impact potentiel du fonds est positif et
aidera les nouvelles coopératives et celles déjà existantes à se développer. L’histoire nous fournit plusieurs exemples de coopératives ayant du
succès à long terme. Encourager la croissance de nouvelles coopératives et
celles existantes devrait avoir des bénéfices à long terme. Une des
conséquences possibles serait l’équité dans le maintien au niveau du jeu des
marchés avec de petites entreprises. »
et le rapport affirme de plus :
« Il y aura d’autres effets positifs sur
l’économie suivant la création d’emplois car les individus ayant du travail,
emplois créés par le fonds, contribueront ainsi à l’économie en achetant des
biens et services et en payant des taxes. … »
2) Assurer la pérennité du programme de l’Initiative de développement coopératif
L’Initiative de développement coopératif (IDC),
renouvelé pour la période 2009-2013, est un outil essentiel pour le
développement coopératif à travers le Canada. En rendant permanent ce
programme, le gouvernement canadien investirait directement dans des
entreprises reconnues pour leur résilience, leur engagement dans les
communautés de base et leurs investissements dans tous les secteurs de
l’activité économique et sociale des communautés. Le programme permanent de
l’IDC serait un legs du gouvernement à la société canadienne lors de l’Année
internationale des coopératives. Plus de 500 demandes de financement auront été
présentées par des promoteurs de nouvelles coopératives partout à travers le
pays. Alors que près de 175 projets de nouvelles coopératives ou de
coopératives en développement auront reçu du financement d’un des volets de
l’IDC au cours de la période 2009-13.